L'habitat social

ANALYSE CRITIQUE DES POLITIQUES PUBLIQUES DE L’HABITAT SOCIAL

 

DE L’HABITAT À L’HABITANT : POUVOIR D’AGIR ET INTELLIGENCE TERRITORIALE

 

Cette étude a pour objet l'évolution depuis 1945 des politiques publiques d'habitat social, notion statique, à celle plus dynamique, de participation des habitants. Cette étude est circonscrite à la question de l’habitat social dans une unité sociale et urbaine précise: les banlieues populaires. Elle est également abordée à travers une lecture critique et socio-politique du phénomène. Bien que les notions d’habitat social et de banlieues populaires renvoient souvent et immédiatement à la dureté de la pierre et au gris du béton, elles sont en effet, avant toute chose, une question sociale et politique. De même que l'architecte, les représentations sociales et les conceptions politiques donnent aussi une forme aux édifices et créent, de surcroît, les frontières de l'urbanité (au sens du vécu de la ville comme intégration et cohérence ou comme séparation et rupture). Mon propos sera donc de questionner ces représentations et ces conceptions, d'évaluer leurs éventuelles contradictions ou faiblesses avant de les mettre en perspective dans un objectif de stabilisation ou d'amélioration.

 

■■■ HABITAT ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL

 

De l’intégration urbaine au citoyen

 

À partir de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la France devait reconstruire nombre de ses villes. En 1945, la création du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme confirme ce besoin de rétablir rapidement les villes françaises ayant subi les traumatismes de la guerre. Cependant, au delà d’un profond désir de panser les plaies, la politique urbaine mise en place en 1945 présente également la réelle ambition de développer une nouvelle façon d’organiser démocratiquement la ville. Mais cette volonté d’organiser la ville sur des principes républicains et dans un esprit de liberté sera néanmoins et  vite abandonnée avec l’arrivée du  phénomène dit du « Baby-Boom ». L’inflation du nombre de naissances et le nombre important de personnes se retrouvant sans logement ou habitant dans des structures précaires et insalubres contraint le gouvernement de l’époque à entreprendre une politique de l’habitat comme une politique de l’habitant gérée dans l’urgence.

Le concept des Zones à Urbaniser en Priorité naîtra en 1949 et le débat sur la ville se réduira à une simple économie de procédures. Cette politique d’urgence se poursuivra avec le retour rapide et massif de plus d’un million de « pieds-noirs » fuyant l’Algérie devenue indépendante en 1962 et avec l’appel à l’immigration en vue de combler un manque important de main d’œuvre dans une société en pleine expansion économique et financière.

Du « Baby-Boom » la société passera ainsi à ce que Jean Pelletier nomme le « City Boom » ; « La France deviendra le premier pays constructeur de logement mais le dernier constructeur d’architecture ». [1] L’accent sera mis sur la gestion, la planification, l’aspect technique et non sur une véritable réflexion politique et philosophique. Il serait toutefois erroné, ou tout au moins réducteur, « de considérer la logique de réalisation des grands ensembles sous le seul angle de la nécessité – induisant une construction massive – et de la rationalité économique– générant une industrialisation du processus de production. Cela a aussi correspondu à un projet collectif, qui révèle l’image que la pensée technico-sociale des années 1950 avait de l’homme de la société industrielle des Trente Glorieuses »[2]. Il est vrai que la prise de pouvoir des corps des Ponts-et-Chaussées sur l’urbanisme (idéologie rationaliste) et la vision d’un pouvoir politique soucieux du confort de ses concitoyens (idéologie de l’égalité héritée du Conseil National de la Résistance) sont aussi à l’origine de la création de nouveaux espaces d’habitat social. Je dirais que si l’urgence a obligé, l’idéologie a quant à elle permise l’émergence de ces nouveaux ensembles. C’est une mécanique sociale qui s’opère ici à partir d’une poussée et d’une aspiration.

 

La conséquence bien connue de cette politique gestionnaire de l’urgence, définie par une temporalité à court terme, reposant sur une vision idéologique faisant place autant à la rationalité qu’à l’égalité, est donc la création des « grands ensembles » [3]-ces « cités dortoirs » - authentiques superpositions de logements où toute une vie sociale et culturelle semble le plus souvent, étonnamment absente. La modernité des équipements et leur confort n’arrivent que difficilement à atténuer une sensation de vide et un sentiment d’inquiétude.[4] . Malgré les vives critiques prononcées par une part grandissante de la population [5] à l’encontre de ces « grands ensembles », la politique menée ne sera pas pour autant remise en question. L’urgence des premiers instants devient attractivité économique, contrats avec les promoteurs immobiliers faisant. Les « plans masses » représentant qui plus est pour les collectivités, une solution rapide : détruire pour reconstruire est infiniment moins complexe que de réhabiliter des logements. L’idéologie s’efface au profit d’une politique publique de la simplicité. La construction et l’organisation des principaux grands ensembles amorcées entre les années 50 à 65 verront leur apogée en 1970. Entre 1972 et 1973, 546 000 logements périphériques seront encore construits avant que le choc pétrolier et la « crise » qu’il provoque ralentissent l’économie française. À partir de ce moment, la croissance urbaine n’est plus d’actualité et l’urbanisme se repliera sur les centres.

A la fin des années 70 le réveil politique est dur.

Après trente longues années de politique gestionnaire, la réalité sociale des grands ensembles se révèle déplorable : naissance des ensembles sans lien et apparition d’un « autre monde » comme l’écrit Thierry Paquot [6]: poussées par la croissance les classes moyennes ont déserté ces ensembles avant la crise, ne laissant que des populations d’origine populaire et en grande majorité immigrée. Le constat à réaliser est d’autant plus dérangeant que ces populations déjà immobilisées du fait de leurs bas revenus risquent de basculer à cause de la situation économique dans un paupérisme paralysant .Au début des années 80, le fait de parler « d’immigrés » et non plus de « travailleurs immigrés » est révélateur d’un certain état des choses. Le manque de structures sociales et culturelles, l’état de délabrement des habitats construits dans l’urgence, le taux de délinquance de ces quartiers renforcent l’aspect alarmant de ce bilan.

Mais c’est en réponse aux événements de 1981 [7], que le choix d’une politique centrée sur la communication entre les habitants d’une part, entre les habitants et le reste de la société d’autre part, commencera à se construire. Le monde politique venait de prendre conscience de ce que « l’ensemble» avait été négligé au profit du « grand ».

 

Les grands ensembles avaient fait place à la banlieue, quand la banlieue allait-elle faire place au ghetto? L’hypothèse d’un processus complexe d’insularisation des quartiers populaires n’est plus à exclure.

 

La politique mise en place à partir de 1981 révèle alors la ferme volonté et la solide ambition de redonner à tous les citadin-es le goût et la possibilité de vivre ensemble. « Vivre ensemble » est un slogan renvoyant aux concepts de cohésion et d’intégration face au délitement social total et progressif dans lequel s’installent les banlieues. « Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir ensemble comme des idiots » disait le pasteur Martin Luther King. Des moyens seront ainsi mis en place au pour rénover et transformer l’habitat afin d’éviter que notre société ne connaisse justement une fracture sociale majeure, prémisse possible d’une mort annoncée de l’idéal républicain. Ces moyens qui vont maintenant être déployés s’inscrivent cependant dans un système complexe. Avec un peu de recul, nous pouvons tout de même distinguer et dégager deux mouvements :

 

- celui allant dans le sens d’une réintégration des quartiers dans la ville- et celui œuvrant à la réintégration des habitants de ces quartiers dans un ensemble plus vaste qu’est la société française.

 

Le premier de ces mouvements formalisé pour la première fois avec autant de volonté et de références éminemment républicaines commencera avec le projet banlieues 89[8]. Ce projet a pour objectif de réintégrer les banlieues dans la ville en embellissant les quartiers et en rétablissant une réelle continuité entre le centre et la périphérie. En découle jusqu’à nos jours toute une politique de transports (rattacher les banlieues à la ville centre et la relier symboliquement à un ensemble commun) et de réhabilitation (susciter un mieux-être urbain dans les quartiers en embellissant, en créant des structures sociales et culturelles).

 

Le deuxième mouvement que l’on peut distinguer mais qui est étroitement lié au premier, se situe quant à lui au niveau de l’habitant. La volonté affichée d’inscrire l’habitant dans les démarches, dans un partenariat avec l’administration, est une idée que l’on retrouve à chaque niveau des procédures concernant l’habitat. Depuis la création en 1981 d’une commission nationale pour le développement social qui posait comme un objectif principal la participation des habitants, le postulat que sans citoyenneté participative la « crise » des banlieues ne peut se résoudre est mainte fois, plus ou moins clairement, réaffirmé : des priorités du premier gouvernement de Jacques Chirac (développer la mixité sociale dans l’habitat, créer des « traits d’union » entre les habitants) jusqu’au discours réformiste de Martine Aubry en 1997 affirmant qu’il faut encourager « les initiatives des habitants, dynamiques sociales sans lesquelles aucune politique de la ville ne trouverait sa pleine efficacité » [9], «Faire émerger des Républiques de proximité » sera aussi l’un des souhaits  de Nicolas Sarkozy en 2003.

 

La thématique de l’habitat au niveau des quartiers populaires pourrait donc être appréhendée plus justement sous la dénomination «réhabilitation et développement social des espaces urbains». Lorsque l’on s’attelle effectivement à décoder cette thématique, on comprend avec une certaine célérité qu’elle fait référence à l’urbanisme in lato sensu .Les politiques de l’habitat sont donc, en particulier depuis les années 1980, autant des politiques de réaménagement plastique que des politiques œuvrant à un niveau social en visant la mise en place d’une véritable politique contractuelle. Cette politique s'attache en somme autant à la notion « d’habitat » qu’à celle « d’habitant ».

Le rapport Sueur est à ce sujet éloquent. Ce rapport, intitulé Demain la ville, remis par le maire d’Orléans à Martine Aubry le 13 février 1998 mêle judicieusement ces deux approches. Ce rapport à l’avantage de suggérer que l’habitat et l’habitant citoyen forme un tout indissociable : sans une réelle politique structurante qui partirait de l’agglomération et non plus du zonage, la participation des habitants serait un leurre. La logique d’agglomération proposée par Sueur permettrait d’éviter en favorisant la mixité sociale la concentration de personnes étrangères dans les quartiers et de lutter, par la même contre, un aspect de la ghettoïsation.

Cependant, malgré les efforts procéduriers et intellectuels fournis, certaines problématiques de fond subsistent. En ce qui concerne la notion d’intégration urbaine, plusieurs questions et problèmes persistent : la volonté d’intégrer les banlieues dans la ville a souvent fait l’objet d’une vision que nous pourrons qualifier de quasi unilatérale : intégrer la banlieue à la ville-centre est une perspective judicieuse si cette intégration n’est pas pensée à sens unique ; les habitant-es des quartiers vont au centre-ville mais l’inverse n’arrive pas ou peu. Cet inverse géodynamique est lié la plupart du temps à une nécessité professionnelle ou à une implication associative. D’ailleurs, posons-nous la question de ce qu’il y aurait à voir et à y faire si l’on n’y travaille ou si l’on n’y milite pas?

Le centre de ville ne va pas vers sa banlieue comme le castrum s’effrayait de la forêt.[10]

Un passage à l’agglomération[11] ne suffira sûrement pas à elle seule à transformer les circulations urbaines comme les inclinations cognitives à se déplacer vers la périphérie.

La thématique de l’habitat propose donc un modèle d’action en termes d’intégration urbaine qui n’est pas exempt de nombreuses contradictions et de sensibles limites. Cet état de fait nous amène par la même à nous poser la question de la pertinence d’un tel modèle. En fait, la problématique centrale inhérente à cette approche, ne serait-elle pas à envisager selon la métaphore du « pansement social » ?

Le modèle d’action en termes d’intégration urbaine n’est-il pas effectivement entièrement limité par le processus d’exclusion vécue par les habitants ?

N’essaie-t-on pas d’intégrer  par l’habitat sans vouloir travailler de concert sur les causes de l’exclusion de l’habitant?

Malgré les nombreuses faiblesses contenues dans ce modèle d’action, la question de l’habitat social dans les quartiers populaires apporte néanmoins une proposition républicaine et démocratique de toute première importance en avançant l’idée que sans une participation il ne peut y avoir une amélioration de la situation vécue dans les quartiers populaires. Si crise des banlieues il y a, la première valeur républicaine à réinscrire dans notre société, et notamment dans les quartiers populaires périphériques, ne serait-elle pas celle de l’habitant- citoyen à partir duquel toute politique peut prendre sens et puiser les ressources de son accomplissement ?

 

■■■ EN CONCLUSION : HABITANT ET DÉVELOPPEMENT SOCIAL

 

La réhabilitation architecturale des grands ensembles n’est pas une intervention suffisante pour réinscrire un sens et redonner confiance dans le « vivre ensemble ». « Trans-former » est certes une intervention de surface qui possède son importance. Modifier la forme de l’habitat est une des conditions d’amélioration de la vie quotidienne. Elle reste cependant liminaire. De l’habitat social à l’habitant social, de l’habitant au citoyen, c’est une mutation de la place et de la représentation des personnes qui s’opère : c’est en soutenant cette dernière qu’un changement social plus profond et plus radical pourra s’accomplir. Remodeler les quartiers en difficulté sans mobiliser leurs habitants s’avère inefficace. En Amérique du Nord, les soutiens publics apportés aux quartiers populaires ciblent davantage les destinataires des aides que les territoires[12]. En ce sens, notre politique de la ville pourrait s’enrichir de cette manière d’agir en complément de son approche territoriale. Par ailleurs une approche mixant la question habitante et la question territoriale serait pertinente à l’heure où l’on reconnaît également l’importance du territoire dans la régulation et l’innovation sociales [13].

« Passer d’une politique de la ville à des politiques des villes, avec les habitants et les élus »[14] est en ce sens, une proposition d’avenir que l’ingénierie sociale pourra porter : trouver les modes d’organisation et de fonctionnement d’une démocratie locale donnant réellement le pouvoir d’agir tout en travaillant à la révélation ou du moins à la stimulation des intelligences territoriales.

 

BIBLIOGRAPHIE

G.BELLEMARE, J-L KLEIN, « Innovation sociale et territoire », Presses de l’Université du Québec, 2011.

J.DONZELOT, « Une politique pour la ville », Esprit, octobre 2005.

V. GUERRAND , Djilal KETTAB, Agathe  ROY «Livre Blanc sur la mixité sociale » Mai 2011.

J. PELLETIER  et C.DELFANTE Ville et urbanisme dans le monde, Masson, Paris, 1995.

 

BONNEMAISON (Gilbert). - Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité. Paris : La documentation française, 1983.

 CAVALLIER (Georges). - Nouvelles recommandations pour la négociation des contrats de ville de la nouvelle génération (2000-2006). s.l., 1999.

DELARUE (Jean-Marie). - Banlieue en difficulté : la relégation. s.l. : Syros/ Alternative, 1991.

DELARUE (Jean-Marie). - La politique de la ville. Paris : La documentation française, 1993. (Regards sur l'actualité).

DUBEDOUT (Hubert). - Ensemble, refaire la ville.- Paris : La documentation française, 1983. (Les rapports officiels). [Bibliothèque du CAC, PO712]

GEINDRE (François). - Ville, démocratie, solidarité : le pari d'une politique. Paris : La documentation française, 1993. [Bibliothèque du CAC, PO1309]

PESCE (Rodolphe). - Développement social des quartiers, bilans et perspectives, 1981-1984. Paris : La documentation française, 1984.

ROBIN-RODRIGO (Chantal), BOURGUIGNON (Pierre). - Le territoire de la cité au service de l'emploi : rapport au Premier ministre. Paris : La documentation française, 2000. [Bibliothèque du CAC, PO1823]

SUEUR (Jean-Pierre). - Demain, la ville. Paris : La documentation française, 1998. (Etudes, recherches, évaluation). [Bibliothèque du CAC, Affaires sociales, 7126]

 

Circulaire Barre, 3 mars 1977

Mission Banlieue 89, décembre 1985

Plan d’urgence pour la ville, 1993

T. PAQUOT, Revue projet n°299, CERAS (Recherche et actions sociales). Consulté en ligne le 15/09/12 http://www.ceras-projet.org/index.php?id=2442

 



[1] J. PELLETIER  et C.DELFANTE Ville et urbanisme dans le monde, Masson, Paris, 1995.

[2] Actes de la journée d’information et de réflexion, organisée par le Centre de Ressources  Politique de la Ville en Essonne, le 1erdécembre 2005.

[3] Le terme de « grand ensemble » apparaît avant-guerre en 1935, sous la plume de l’architecte Marcel Rotiva, Il prend ensuite une connotation administrative et technico-économique, lorsqu’en 1951 Eugène Claudius-Petit,, fait autoriser un programme de 10 000 logements en « constructions normalisées », dont le cadre de réalisation sera le « grand ensemble du secteur industrialisé »

[4] Un échange à ce sujet avec d’anciens habitants du quartier Schuman à Thann (Haut-Rhin) est éloquent à ce sujet. Je citerais en guise d’exemples cette réflexion d’une personne interrogée : « on avait de l’eau chaude, une grande salle de bain, une belle terrasse orientée plein sud, l’appartement était bien isolé. Mais il y avait quelque chose qui n’allait pas. Je ne sais pas comment le dire mais on savait que toutes ces constructions portaient en elles quelque chose d’inquiétant».

[5] « Dans les villes, le mécontentement de certains habitants les incite à monter des associations (par exemple les Groupes d’action municipale), afin de dialoguer avec la municipalité et de faire pression sur l’opinion publique pour mieux équiper les quartiers « neufs » ou rénover les îlots « anciens », bref à militer pour une démocratie locale qui n’abandonne pas les décisions aux seuls techniciens et élus. La « question urbaine » pénètre le politique, préoccupe de manière diffuse de nombreux cercles de réflexion et fait l’objet de numéros spéciaux de revues influentes » Thierry PAQUOT, Revue projet n°299, CERAS (Recherche et actions sociales). Consulté en ligne le 15/09/12 http://www.ceras-projet.org/index.php?id=2442

[6] Ibid

[7] Emeutes dans le quartier des Minguettes à Lyon

[8] Le projet 89 élaboré en 1983, est le résultat d’une réflexion commune entre François Mitterrand et la direction des HLM dont l’élément déclencheur est la mort lors d’une altercation du jeune Toufik Ouanès à la cité des 4000 à la Courneuve. Ce projet Banlieues 89 ainsi nommé en référence à la révolution de 1789. Le discours de clôture de François Mitterrand, dont je vais ici livrer un extrait, aux premières assises de Banlieues 89 me semble être une excellente synthèse de l’idée contenue dans ce projet : « Quand la ville ne grandit plus, au moins l’urbanité peut-elle s’étendre. Il faut réussir la grande entrée des banlieues dans la société urbaine parce que c’est là où se situe le mal, le mal de vivre qui est naturellement de tous les embarras, de tous les drames de la vie quotidienne ».

[9] Communiqué à la presse du 3 juillet 1997 précisant les nouvelles orientations en matière de politique de la ville.

[10]Après une lecture approfondie de plusieurs dictionnaires et d’échanges avec des professeurs de français, il semble que l’histoire étymologique du mot forêt rejoigne celle du mot banlieue. Je voudrais citer cet extrait tiré du Wiktionnaire qui me semble être une juste synthèse de mes lectures et échanges à ce sujet :   « On a longtemps tiré ce mot de l'allemand Forst (« forêt ») mais aujourd'hui les étymologistes allemands déclarent que ce mot est venu des langues romanes dans leur langue. À la vérité, on a voulu rattacher le mot roman forest au haut-allemand foraha (« pin ») mais Diez fait remarquer que la disparition de l'h s'expliquerait mal et qu'un suffixe -est ou -ast est fort rare. Il incline donc vers une étymologie latine déjà proposée par Frisch, à savoir foris (« dehors »). Le grammairien Placidus connaît déjà un adjectif forasticus (« extérieur ») et cet adjectif subsiste dans l'italien forastico, le sicilien furestico, le provençal foresgue (« sauvage », « rude », « rétif »), l'italien forestiere a le sens « d' étranger », d'« homme du dehors ».Sur ce modèle le bas-latin a formé forestare (« mettre dehors », « bannir »). Foresta signifie donc primitivement ban, proscription ou terrain sur lequel on a prononcé un ban, une proscription de culture, d'habitation, dans l'intérêt de la chasse seigneuriale. De là forestare signifie « créer une forêt », car ces prohibitions s'appliquaient surtout aux bois où se trouvaient les bêtes fauves, et que d'ailleurs les arbres poussaient bientôt dans les campagnes ainsi soustraites à la culture. Telle a été la transition historiquement constatée entre foresta (territoire prohibé) et forêt ». Il est aussi à rappeler que dès l’époque romaine, la sécurité, le civilisé se trouve au sein du « castrum » (à savoir, « le camp retranché », ce qui est « séparé du monde »). L’en-dehors, la forêt est dangereuse. Une étude plus poussée serait intéressante pour rechercher les sources anthropologiques éventuelles des fantasmes véhiculés sur les banlieues populaires par les populations les « plus encastrées » (et encastées pourrions-nous écrire si nous participons d’une vision plus symbolique des choses).

[11]La proposition n°5 du Livre Blanc sur la mixité sociale propose de « faire des agglomérations les échelons décisionnels de droit commun en matière d’aménagement, d’urbanisme, de logement et d’habitant ». Livre Blanc sur la mixité sociale. V. GUERRAND , Djilal KETTAB, Agathe  ROY – Mai 2011.

[12] Voir notamment J.DONZELOT, « Une politique pour la ville », Esprit, octobre 2005.

[13] G.BELLEMARE, J-L KLEIN, « Innovation sociale et territoire », Presses de l’Université du Québec, 2011. Voir notamment le chapitre 7(p175 à 192) qui expose brillamment en quoi un territoire donné peut agir sur la réussite ou l’échec d’un projet d’économie sociale.

[14] Thierry PAQUOT, ibid.