Le coping stratégie : une innovation à découvrir

Stress au travail, difficulté à prendre des décisions, volonté de changer les comportements professionnels sans pour autant entrer dans l’intimité psychique des personnes…autant de phénomènes et de difficultés qui demandent à être travaillés, dans les organisations professionnelles, à partir de méthodes managériales éprouvées, efficaces et possédant un coefficient éthique important. Depuis l’année 2010, je me suis intéressé à la psychologie du travail, à la sociologie des organisations, aux sciences de gestion (ressources humaines) afin de proposer une méthode globale qui pourrait être complémentaire des actions actuellement entreprises dans les organisations (gestion du temps, supervision, coaching…) et qui favoriserait l’efficacité au travail, dans un cadre serein et le moins anxiogène possible. J’ai ainsi découvert la théorie du coping et du coping strategy. Cette théorie m’apparait transposable dans l’univers professionnel. En m’appuyant sur l’ingénierie organisationnelle, j’ai donc souhaité traduire mes différentes études sur le sujet afin de produire des outils pratiques à partir de ce concept. Je vous propose ainsi dans cet article, de partir à la découverte du « coping stratégie » avant de pouvoir appréhender un exemple pratique de coping appliqué à la recherche d’emploi. Le choix s’est porté sur la dynamique emploi pour deux raisons : la recherche d’emploi permet de donner un exemple relativement exhaustif d’une application transversale du coping stratégie car elle est, en tant que telle, une activité qui regroupe souvent les éléments évoqués en introduction de cet article (stress, capacités décisionnelles, comportements).

 

DÉFINITION

 

Étymologie. Anglais "to cope": faire face.

Le terme coping désigne le processus par lequel l'individu cherche à s'adapter à une situation problématique. Cette adaptation peut se faire par différents moyens : prise en compte de ses ressources personnelles (cognitives et affectives), aides extérieures possibles, positivisme… La notion de lieu de contrôle a donné naissance au concept de "coping" dont Lazarus et Folkman (1984) donnent la définition suivante : il s'agit de « l'ensemble des efforts cognitifs et comportementaux destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou dépassent les ressources de l'individu ». (1) En d'autres termes "on parle de coping pour désigner la façon de s'ajuster aux situations difficiles. Ce terme implique, d'une part, l'existence d'un problème réel ou imaginé, et d'autre part, la mise en place d'une réponse pour faire face à cet événement stressant ». (2) Dans leur ouvrage sur le stress et le coping, deux chercheurs français, Isabelle Paulhan et Marc Bourgeois, effectuent un passionnant état des recherches sur ce thème (3). Ils observent notamment, dans le cas d’interventions chirurgicales, «que les sujets qui utilisent une stratégie de coping active (recherche d'informations sur le déroulement de l'opération, de ses conséquences, participation lors des traitements) sont significativement moins anxieux et présentent moins de complications postopératoires que les sujets qui utilisent une stratégie de coping passif (attitude résignée et fataliste, inhibition) ». (4) (5)

Nous comprenons ici que le coping possède une origine thérapeutique. Il s’avère cependant que le coping peut être utilisé, dans le monde professionnel par exemple, de manière large pour développer les capacités des acteurs à choisir des stratégies individuelles adaptées, cohérentes et efficaces (à moyen et long terme).

 

LES DIFFÉRENTS TYPES DE COPING

« Je change la situation »

Coping direct

Implique une action de la personne qui aura un impact sur la situation.

Ici on est dans une stratégie de type : "les réunions que j’anime sont peu constructives" |Constat]  / "Je crée un tableau de bord de réunion décisionnel (qui mettra en place les décisions prises en réunion ? Comment seront-elles mises en place ? Quand seront-elles mises en place ?) Je me crée également un tableau de bord de suivi des décisions » [Actions stratégiques]

 

« Je change de regard sur la situation »

▪ Coping indirect

Stratégies qui ne changent pas la situation mais plutôt la façon dont elle est vécue.

Ici on est dans une stratégie de type : "Je n’arrive pas à gérer ma peur de parler en réunion". [Constat "Je travaille sur une stratégie de réduction de mes états émotionnels à savoir relaxation, activité sportive, travail sur mon rapport aux autres (qu’est ce qui me fait peur), partages d’expériences avec un(e) collègue de confiance… » [Actions stratégiques]

 

« Je reporte, je comble, je fuis… » 

▪ Coping indirect palliatif

Stratégies potentiellement dangereuses qui donnent un répit. Y sont inclus les mécanismes de défense.

Ici on est dans une stratégie de type : "Je n’arrive pas à gérer ma peur de parler en réunion". [Constat] / "Je fuis la situation pour le moment. Je compense avec de la nourriture ou de l’alcool, du tabac, des médicaments etc. » [Actions stratégiques]

 

LES DIFFÉRENTES GAMMES DE STRATÉGIES INDIVIDUELLES

 

La stratégie de confrontation renvoie à un certain degré d’agressivité pouvant éventuellement ouvrir vers la violence physique ou verbale mais est aussi une stratégie qui impose de faire face (se confronter, par exemple, à ses peurs).

La stratégie de fuite ou d’évitement.

 

> Un constat :  60% des personnes n'utilisent  majoritairement que cette gamme de stratégies.

 

Il existe pourtant différentes stratégies individuelles à mobiliser en situation :

 

La planification d’une solution au problème rencontré ou supposé.

La modération de l’impact émotionnel du stress. Ces stratégies ne modifient en rien la perception de la situation, mais permettent au sujet de minimiser les conséquences d’émotions perçues comme intenses et négatives (peur, colère…).

L’imagination met en perspective par l’image intérieure, le fantasme ce que je voudrais faire, ce que j’aurais pu faire : elle reconstruit un vécu, le retransforme pour se le réapproprier.

La prise de distance décrit les efforts accomplis par l’individu afin de se détacher de la situation stressante en l’objectivant (analyse intellectuelle du problème). La prise de distance est donc nécessaire pour vérifier si le problème rencontré est réel ou interprété comme tel.

Le lâcher-prise (Wu weï) permet d’apaiser ses impulsions et ses propres émotions. Elle correspond à une action centripète, tournée complètement vers soi. Elle est à comprendre comme complémentaire de la prise de distance par une action dirigée vers le ressenti émotionnel. Le lâcher-prise est une stratégie plus élevée que la modération et commande une maîtrise de techniques corporelles et mentales.

La réévaluation positive permet de prendre en considération les bénéfices de l’expérience stressante ou vécue comme non désirable, indépendamment du résultat.

La déviation permet d’opérer une action de réorientation des émotions et des actions vers une autre issue que la confrontation ou la fuite. Cette stratégie peut également être dénommée « l’oblique », à  savoir trouver une solution moins frontale (ou absence de solution) pour résorber une tension.

L’acceptation de la responsabilité consiste à envisager son propre rôle dans l’interaction stressante. Cette part de modestie et d’attribution interne dans le jugement porté sur l’interaction stressante est parfois utile.

La recherche de support social est, semble-t-il, un élément très souvent utilisé pour appréhender la dimension stressante d’un événement. Cette stratégie peut en effet recouvrir deux fonctions. Si un individu cherche à rencontrer quelqu’un afin d’obtenir un autre point de vue que le sien, ceci pourra servir à modifier l’analyse du problème.

 

L’UTILISATION DU COPING : LE CAS DE L’ACCOMPAGNEMENT À L’EMPLOI

 

Nous comprendrons que développer sa gamme de stratégies individuelles et privilégier un coping direct ou indirect peut amener de réelles améliorations dans sa pratique professionnelle (et par extension, dans sa vie psychique et sociale). Le coping stratégie appliqué à une personne peut ainsi être déployé dans différentes situations professionnelles (management ordinaire, gestion de crise…). Le coping stratégie peut également se révéler très utile dans les activités de service et d’aide à la personne. Je vous propose de prendre connaissance de l’exemple ci-dessous, qui est une synthèse d’une application pratique du coping stratégie individualisé à la recherche d’emploi. Cet exemple est exprimé sous la forme d’un monologue, mais pourrait tout à fait représenter un échange entre un(e) conseiller(e) emploi (de type "coach") et une personne en recherche d’emploi.

 

1. Le questionnement de rationalisation 

 

A. En quoi cette recherche d'emploi est vécue comme une  épreuve ?

1. Le contexte économique me fait peur

B. Les problèmes listés sont-ils réels ?

1. Il existe un contexte économique défavorable

2. …

C. Comment je vis ce problème réel ?

1. J’ai peur mais en quoi et pourquoi cette peur m’empêche de mener des démarches? Il y a un contexte difficile mais est-ce pour autant que je n’ai pas mes  chances? Est-ce d’ailleurs une question de chance? Ne serait-ce pas plutôt une question de motivation? De bons conseils à trouver?

2…

 

2. Le questionnement de compétences & de confiance

 

A. Le contexte économique me fait peur : quels sont mes capacités et atouts?

1. Je possède une référente emploi.

2. Je suis une personne très anxieuse, mais je sais analyser ce qu’il m’arrive.

3. Je suis un rêveur, j’arrive à m’échapper d’un quotidien pesant.

4. Je lis beaucoup et j’ai une grande culture générale.

 

3. Le développement de stratégies

 

A. Les stratégies à développer sont :

1. Je reconnais que j’ai une part de responsabilité dans le stress  que je ressens et que ma façon de voir les choses conditionne une partie de mon inhibition à faire (acceptation)

2. Je parle à ma référente de ma difficulté (recherche de  support social)

3. Je me projette dans l’avenir en imaginant comment je voudrais vivre, ce que je voudrais faire et j’essaye d’élaborer avec ma référente un plan d’action réaliste et réalisable (stratégie d’imagination, recherche de support social et planification)

4. J’apprends à être moins anxieux et je vais, par exemple, consulter un thérapeute spécialisé dans les troubles de l’anxiété (stratégie de confrontation)

 

Dans cet exemple, nous partons d'un questionnement de rationalisation, de compétences et de confiance avant de définir des stratégies individuelles diversifiées dans le cadre d'un coping direct et indirect ("Je me confronte/Je cherche des solutions de soutien"). En ce sens, ces étapes, qui pourraient tout aussi bien être des temps d'entretien, permettent de donner une structure, une dynamique et une issue concrète, autant que globale, à la personne concernée. L'efficience se conjugue ici à l'efficacité tout en respectant la personne dans son intimité (nous conviendrons que la question de la thérapie n'est pas à être évoquée directement dans le cadre d'un entretien strictement professionnel, l'idée est ici de démontrer le vaste horizon que peut recouvrir un entretien, ou une réflexion sur soi, grâce à des techniques empruntées à la théorie du coping). Il est cependant à préciser que l'entretien coping  apporte ou renforce les capacités de la personne à définir des stratégies qui lui seront adaptées et salutaires. En ce sens, si, dans notre exemple, cette question thérapeutique n'est pas évoquée directement, la suite logique du questionnement pourra amener la personne à faire ce choix, en toute autonomie. Il est encore à préciser que  cette forme d'entretien, appliquée à la sphère professionnelle, a également l'avantage d'éviter les dérives "psychologisantes" en restant concentré sur les stratégies individuelles de la personne. L'objectif étant de trouver, de manière collégiale, un plan stratégique individuel adapté et pertinent dans le cadre strict d'une question professionnelle et non, de rechercher les failles, les faiblesses et même les contradictions de la personne. "Errare humanum est, perseverare diabolicum" disait Saint Augustin. "L'erreur est humaine, persévérer dans son erreur est diabolique". Le coping adapté au contexte professionnel a, par là même, la délicatesse de traiter l'erreur de persévérance et non l'erreur en elle-même, car, cette dernière, est consubstantielle de notre humanité. Avancer sans déshumaniser, soutenir sans trop assister ou moraliser la relation, donner les clés pour agir à partir de la personne et non seulement à partir de sa propre vision des choses. De bons entretiens en perspective ! Pour le meilleur de votre organisation et des personnes qui la composent.

 

EN CONCLUSION

 

Le développement de la recherche permet de modéliser de nouveaux concepts d’importance. L’ingénierie sociale et l’ingénierie organisationnelle permettent de traduire puis de transcrire ces concepts en méthodes opérationnelles. Le coping est un exemple parfait de cette dynamique que nous pouvons créer entre théorie et pratique. Le coping stratégie possède encore de multiples applications. Notre cabinet a voulu ici centrer son attention sur la question de l’emploi, cependant, et selon notre expérience, cette méthode peut donner d’excellents résultats en termes de conduite du changement, d’amélioration du climat social, de développement des compétences relationnelles, de renforcement des processus de coopération. 

 


 

(1)  Lazarus R.S. & Folkam S. (1984). Stress, appraisal and coping. New York, Springer. Cités par Paulhan I. & Bourgeois M. (1995). Stress et coping. Les stratégies d'ajustement à l'adversité. Nodules PUF. 128 p. (p. 40).

(2)    Ray C., Lindop J. & Gibson S. (1982). The concept of coping. Psychological Medecine. 12, 385-395. Cités par Paulhan I. & Bourgeois M. (1995). Stress et coping. Les stratégies d'ajustement à l'adversité. Nodules PUF. 128 p. (p. 40).

(3)    Paulhan I. & Bourgeois M. (1995). Stress et coping. Les stratégies d'ajustement à l'adversité. Nodules PUF. 128 p. p 40.

(4)   Schmidt L.R. (1988). Coping with surgical stress : some results and some problems, in S. Maes et C.D. Spielberger. Topics in Health Psychology. Chap 14, 219-227. New York, John Wiley. Cités par Paulhan I. & Bourgeois M. (1995). Stress et coping. Les stratégies d'ajustement à l'adversité. Nodules PUF. 128 p. (p. 56).

(5)   http://agirpoursasante.free.fr/livre/chap29.html

 

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